La ronde infernale

1 Le début de l’histoire

On trouve de tout sur internet !... Ainsi, notre célèbre « noble et puissant » comte de Mâcon Girard de Vienne serait mort bien après la date avancée de 11842. Une petite visite faite en 2002 sur le site d’Atrium nous apprenait bien des choses3

Guillaume, comte de Mâcon (1102-1156), de Vienne, d’ Auxonne (1127-1156), et comte de Bourgogne en 1148, aurait reçu de son neveu par alliance, Frédéric dit Barberousse, de surcroît, Empereur de Germanie, la seigneurie du Val-de-Travers en 1153. Ce Val était une des rares voies d’accès de la Franche-Comté en Suisse. Il est vrai que ce Guillaume avait épousé vers 1120 Poncette de Traves (Travers)...De ce mariage sont nés deux fils : Etienne, sire de Traves, comte d’Auxonne, décédé en 1173 et... Girard de Vienne, comte de Vienne, de Mâcon (1156-1184) et en plus seigneur d’Orbe, baron de Grandson (Suisse) et connétable de Franche-Comté.

Quel personnage ce Girard, qui épousa Maurette de Salins (comté de Bourgogne) ! Il mena la lutte contre le clergé de Cluny et fut défait par Philippe Auguste à Dun le Roy en 1180 : 4

Par ailleurs, l’histoire du Val-de-Travers nous apprend que Girard aurait échangé sa seigneurie du Val contre des terres qu’Ulrich de Neuchâtel (Suisse) possédait sur la Saône, et ce... en 1218 ! Un de ses héritiers, Berthold, fit don de ces terres à Jean 1erde Chalon.

Moi, Berthold, sire de Neuchâtel, à tous présents et à venir, je déclare que j’ai fait hommage à noble baron, monseigneur Jean, comte de Bourgogne.... et que j’ai reçu de lui en fief et chasement tout ce que je possède au Val-de-Travers avec terres, prés, forêts, eaux, joux, villages, justice, plus la garde du Prieuré de la dite vallée, sauf le péage, la chasse et quelques colons qu’on appelle reyes (gens de guerre).

Serait-ce là l’origine de la suzeraineté de la maison de Chalon sur celle de Neuchâtel ?

Nous connaissons Jean de Chalon, dit Le Sage ou l’Antique (1190-1268) dont un descendant direct Jean III de Chalon Arlay épousa Marie de Baux, princesse d’Orange, morte en 1416. De cette union, la maison de Chalon (sur Saône) devint celle d’Orange qui passa vers 1500 à celle de Nassau.

1.2 Le rêve bourguignon

1.2.1 Prologue

Les seigneurs du Mâconnais, pendant tout le conflit durant la guerre de Cent Ans, restèrent plutôt fidèles au parti de Bourgogne.

Le conflit engagé par Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne, contre le Roi Louis XI se termina, comme on le sait par la défaite et la mort, devant les murs de Nancy. Une petite carte pourrait expliquer la stratégie du Téméraire pendant ses campagnes de conquête pour tenter de reconstituer la « Gaule-Belgique » de Lothaire.

Voici la carte. Pour relier les états du Nord (Luxembourg, Hainaut, Artois) à ceux du Sud (duché et comté de Bourgogne) Charles veut envahir la Lorraine, il prend Nancy au jeune duc René II, il rachète en réméré le Landgraviat d’Alsace et le comté de Ferrette à Sigismond d’Autriche en mai 1469. Puis installe son Maître d’Hôtel Pierre de Hagenbach en Alsace (Ensisheim, Sundgau) avec une force armée de 1500 chevaux et 4000 hommes.

Carte des Etats de Bourgogne (1470)

1.2.2 Développement du conflit

Strasbourg et Bâle avancent à Sigismond le prix du rachat de leurs terres. Hagenbach est saisi, jugé et décapité à Breisach en 1474, ce qui est un suprême affront au duc de Bourgogne...

Charles le Téméraire, fou de colère, livre bataille aux fédérés suisses à Héricourt en Novembre, rentre à Nancy le 30 novembre 1475 et entâme la guerre avec René II et son allié Louis XI avec une armée de 40.000 hommes rassemblés à Nancy. Les troupes rejoignent Besançon où se tenait l’artillerie, rentrent en Helvétie par le Jura. C’est alors que se place l’épisode du Val-de-Travers (voir la carte itinéraire en noir), la petite garnison de la tour Bayard à l’entrée du val, vers Saint-Sulpice, avertie du mouvement de cette immense armée rameute les Suisses des villes de Neuchâtel, Bienne et Cerlier et bloquent l’avant garde bourguignonne avec une chaîne rougie au feu tendue entre les parois rocheuses. Cette immense armée bourguignonne est obligée de faire retraite pour passer par Jougne et rejoindre Grandson. On prend le château par traîtrise et passe au fil de l’épée les ardents défenseurs du lieu. Premier rassemblement des Cantons d’Uri et Unterwald, premières sonneries des trompes, cris de vengeance, première déconfiture à Grandson.... Tout est abandonné aux fédérés (Suisses et Alsaciens).

Mouvement de l'armée (1476).

Bataille de Morat (1476)

Le tableau montre la bataille de Morat.

On distingue à droite :
  1. la cavalerie bourguignonne, qui s'enfuit
  2. l’étendard du Duc : 3eme en partant de la gauche au premier plan (portant les armes de Bourgogne ancien, de France, etc... l'écu de Flandre brochant sur le tout).
  3. En haut à gauche les piquiers suisses et les cavaliers bourguignons démontés.

La nouvelle armée forte de 30 à 40.000 hommes (Bourguignons, Anglais, Brabançons, Flamands, Picards, Lombards, Liégeois) part de Lausanne pour Neuchâtel puis sur Berne et Fribourg. Le 20 juin les fédérés avancent dirigés par Hans Waldmann et Hans Hallwyl. Une seconde fois la cavalerie vient se briser contre les lances de six mètres des piquiers suisses assemblés en rangs serrés (voir la partie supérieure gauche de l’image). Charles percuté se replie sur 12 lieues vers le lac de Genève à Morges (22 juin 1476).

Charles rentre au château de la Rivière, près de Pontarlier. Il y séjourne, se reprend, et demande de refaire une armée de 40.000 hommes et le quart de la fortune de chacun de ses sujets... Il obtient seulement 3000 hommes.

Après les terribles défaites de Morat et Granson en Suisse, le Téméraire dut faire face à René II, le jeune Duc de Lorraine allié du Roi, qui s’opposait à la conquête de son duché qui aurait permis de relier la Bourgogne aux terres du Nord : Flandre, ... René II rassemble 1400 hommes de milices alsaciennes ; Nancy a capitulé en octobre 1476, reprise aux Bourguignons. René assiégé par 6000 Bourguignons part rassembler les Suisses sous les murs de Bâle le jour de Noël 1476. Il retourne à Nancy avec 8000 hommes via les Vosges et Lunéville pour recevoir de l’aide et de l’argent. Le 5 janvier 1477 René a 20.000 hommes rassemblés devant le camp bourguignon. La trahison de Campo-Basso ne laisse que 4000 hommes au Téméraire qui livre sa dernière bataille. Le Téméraire meurt de ses blessures (un coup de hache lui ayant ouvert le crâne) faute d’avoir été reconnu et secouru après la bataille par un détrousseur de morts.

Il en fut fini du rêve de devenir Empereur du Saint Empire.

Voir ce site Suisse, recréant les compagnies de Bourgogne.

1.2.3 Epilogue

Dans nos pays relevant du grand duc de Bourgogne, Jean de Damas, premier baron de Digoine possédait encore les seigneuries Clessy et Saint Amour par sa mère Claude de Saint Amour5 fille de Claude et de Marguerite de Tournon.

Hugues de Chantemerle, seigneur de La Clayette avait été nommé bailli de Charollais par Charles le Téméraire en 1474. Louis XI le rallia à sa clientèle en le maintenant dans sa charge et en lui donnant les terres et châtellenies de Bois-Sainte-Marie6 Cependant, le Charollais, resté fidèle au Téméraire tenta de résister, suite notamment à l’ordonnance du Roi, proclamant le retour à la couronne des pays, duché et comté de Bourgogne, Charollais et Mâconnais. Une guerre s’en suivit dirigée par Jean de Chalon-Arlay7, afin de maintenir le Charollais à Marie de Bourgogne, de mai 1477 à juin 14788

Jean de Damas fut conseiller et chambellan de Philippe le Bon, gouverneur et bailli de Masconnais le 20 janvier 1446, chevalier de la Toison d’Or (1468-14819 ). Marié à Claude de Saint-Amour, il eut cinq fils et deux filles. Il eut également un fils Claude, né vers 1475 d’une relation avec Catherine de Chevignier qui fut donné de Damas par lettres patentes du Roi Charles VIII de mars 1491. Le ralliement de Claude donné de Damas au Roi lui valut le titre de chambellan du duc de Bourbon. Il fut aussi seigneur d’Estieugues à Cours (69).

Jacques d’Amanzé, seigneur de Chauffailles dont il sera question dans la section suivante fut un parent de Jean de Damas. Fils de Jean d’Amanzé et d’Antoinette de Villon, il se maria une première fois avec Antoinette de Chantemerle d’où est né Guillaume ; d’un second mariage, avec Philippe de Damas, est né François. De la première branche, sont issus du mariage de Guillaume10 en 1523 avec Marguerite de Semur : François11, Guillaume12, Antoine13, Jacques14, puis un autre Antoine15 et Marie-Cécile mariée en 1741 à Claude-Marie de Saint Georges.

Voilà la lignée de nos seigneurs de Chauffailles, disparue après la révolution Française.

1.3 La prestation de serment : extrait de l'ouvrage de L. Lex

Le sort du Charolais, à l'issue du conflit entre le Téméraire et l'Universelle Aragne fut discuté pendant un an par les tenants de la jeune duchesse Marie de Bourgogne. Jean de Chalon, prince d'Orange, organisa la résistance dont on pourra suivre les détails dans l'ouvrage de Jean Perche16

Après le ralliement de Jehan de Damas, Louis XI demanda à ses nobles et vaillants sujets de lui prêter le serment dont voici la teneur :

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Jacques d'Amanzé, chevalier, seigneur dudit lieu Amanzé17, et de Choffailles18 , lieutenant général de noble et puissant seigneur Messire Jehan de Damas, chevalier, seigneur de Digoyne, de Cleissy20 et Saint Amour21, conseiller et chambellan du Roy nostre sire, son lieutenant, gouverneur et bailli de Masconnais, député en cette partie de Monseigneur le comte de Brienne, lieutenant général et gouverneur pour le Roy nostre sire en ses duchié et comté de Bourgongne, Masconnois et Charrolois, salut. Savoir faisons que l'an de nostre Seigneur courant mil quatre cens soixante dix-huyt, le mardi XXIIIe jour du moys de novembre, heure de tierce, auxqueulx jour et heure plusieurs gens d'esglise et nobles du pays de Masconnois et les bourgeois et habitants de ladicte ville de Mascon, estoient par nous et par nos lettres missives, à eux de par nous envoyées, mandez pour faire de nouvel le sèrement au Roy nostre sire en la forme que mandé nous a esté par mondict seigneur le conte de Brienne, lieutenant général et gouverneur, et par ses lettres patentes de la date du XIIIe jour de ce présent moys scellées de son grand seel en cire vermeille à simple quehue, desquelles la teneur est telle:

Charles d'Amboize, comte de Brienne, seigneur de Chaulmont, lieutenant général et gouverneur pour le Roy nostre sire des duchié (et) conté de Bourgogne, Charrolois, Masconnois, et pays de Champaigne, à nostre chier et bien amé le gouverneur de Mascon ou à son lieutenant, salut. Comme le Roy nostre sire, pour certaines causes à ce le mouvans, ait ordonné prendre et recepvoir le sèrement de tous les prélatz, gens d'esglise, nobles et autres gens notables de ses pays de Bourgongne de doures en avant luy estre bons et loyaulx et le servir envers et contre tous, et soit ainsi que, pour l'occupacion que nous avons de présent pour les affaires dudict seigneur, ne pouvons vacquer en personne et ce faire, et pour ce soit besoing y commectre quelcung pour et ou nom de nous, pour ce est-il que nous, confians de voz sens, vaillance, preudommie et bonne diligence, nous (vous) avons commis, ordonné et député, et par ces présentes commetons, ordonnons et députons à assembler (ou) faire assembler au lieu que verrez estre à faire et plus convenable tous lesdictz prélatz, gens d'esglise, nobles, et autres gens notables de vostre gouvernement ou baillage de Mascon, et d'iceulx, appelez avec vous deux notaires royalux telz que verrez estre pour le mieulx, prenez et recevez le sèrement en la forme Teneur du serment : "Nous soubzescriptz, jurons aux saincts euvangiles de Dieu que nous touchons présentement, par le babtesme que nous appourtâmes de dessus les fons, et sur le dampnement de nos âmes, que nous serons doures en avant bons, vrais et loyaulz subgetz du Roy nostre sire, de Monseigneur le Daulphin, son successeur, et que nous le servirons à l'encontre du duc d'Aultriche et de Mademoiselle sa femme et de tous autres quelzconques, sans nulz excepter, et jamais ne ferons ne procurerons chose que soit au préjudice et dommaige du Roy, et se nous savons qu'il se face chose qui soit préjudiciable ou dommaigeable au Roy ne à ses pays et subgets, que nous l'en advertirons et obvierons au contraire de tout nostre pouvoir. Et au surplus ferons tout ce que bons et loyaulx subgets doivent et sont tenus de faire envers leur souvrain seigneur et naturel sire. Et renonçons à tous autres sèrements que nous pourrions avoir fait prédédent au contraire22 que le vous envoyons signé de nostre main, et iceulx sèremens faites enregistrer par notaires et personnes publicques et signer du seing manuel de ceulx qui le feront, et de tout ce que aurez rappourtez le par-devers nous et par-devers nos gens des Comptes à Dijon. Donné à Germole, soubz nostre seel armoyé de nos armes, le XIIIe jour de novembre l'an mil CCCCLXXVIII, Par Monseigneur le Conte, lieutenant général et gouverneur, L. Siclier.

Se sont comparus à Mascon, en l'esglise du couvent des frères précheurs dudit lieu, par-devant nous estans et assistans avec nous honnourables personnes et saiges Maistre Guillaume Le Fèvre, licencié en lois, lieutenant général ou baillaige de Mascon, Maistre Philibert de La Ferté, aussi licencié en loix, advocat, et Claude Pennet, procureur fiscaulx dudit seigneur oudit baillaige de Mascon, les gens d'esglise, nobles, et aussi les bourgeois de la ville de Mascon.

L'auteur remercie Gérard et Marie Claude pour les corrections apportées à ce texte.

1 Le début de l’histoire vient du site ATRIUM qui retrace l’histoire du Val-de-Travers. Les Fiefs du Mâconnais est le titre d’un ouvrage publié sous les auspices de l’Académie de Macon par L. Lex, Ancien élève de l’Ecole nationale des Chartes, Archiviste du Département, de la ville et de l’Académie, MACON, Ed. PROTAT FRERES, IMPRIMEURS 1897

2 Récit pour le sud Bourguignon, par J. Perche, Tome II, Ed. Les Imprimeries réunies, p.105.

3 http ://www.format-prod.com/motiers/

4 En fait c’est Humbert IV de Beaujeu en révolte contre son père et allié de Guillaume comte de Chalon qui aurait provoqué la campagne de Philippe Auguste. Les deux seigneurs auraient entraîné leurs voisins Girard de Vienne et Arthaud Le Blanc dans ce conflit. Un diplôme de Philippe Auguste donné à Pierre-Perthuis, rappelle cette campagne entre le 20 avril et le 18 septembre 1180. Actes de Philippe Auguste., Ed. Delaborde, I nr8. De Diceto, opera. historia

5 Mariée une première fois à Jean de Toulongeon, seigneur du lieu et de Sennecey, mariée en secondes noces à Jean de Damas en 1464.

6 Récit pour le sud Bourguignon, par J. Perche, Tome II, Ed. Les Imprimeries réunies, p. 217.

7 Prince d’Orange (1444-1502)

8 cf J. Perche, idem, p. 219.

9 radié de la liste des chevaliers de la Toison d’Or par l’archiduc Maximilien d’Autriche, mari de Marie de Bourgogne, en 1481.

10 Seigneur de Mazoncle et de Mély, il conduisit François 1er de La Clayette à Propières, le 2 août 1524.

11 marié en 1540 à Françoise de Choiseul de Traves

12 marié en 1585 à Françoise de la Guiche

13 marié en 1613 à Françoise de Damas

14 comte de Choffailles, seigneur d’Arcinges et de Vis, il épousa Marie-Anne Rolin.

15 (1671-1735) qui épousa Cécile de Falcony

16 Récit pour le sud Bourguignon, par J. Perche, Tome II, Ed. Les Imprimeries réunies, p. 219-223.

17 canton de La Clayette (71).

18 chef lieu de canton (71)

19 commune de Palinges (71) chef lieu de canton.

20 Clessy, canton de Geugnon (71)

21 Chef lieu de canton (Jura).

22 A.A.3, f° 22

Armand 2006-11-18

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